Correction de la note de synthèse du CRFPA 2020

Cette page contient une proposition de correction du sujet de note de synthèse du CRFPA 2020. Le sujet de la note de synthèse de l’année 2020 de l’examen d’entrée à l’école des avocats était consacré au « commerce de l’influence ».

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Attention : il ne s’agit ici que d’une « proposition » de corrigé de la note de synthèse du CRFPA 2020, et en aucun cas d’une correction officielle émanant d’un organisme institutionnel.

Cette proposition de correction de la note de synthèse CRFPA 2020 a été rédigée par Adrien Cohen-Boulakia.

Adrien Cohen-Boulakia est Avocat en droit commercial, droit des affaires et droit de la propriété intellectuelle. Il exerce également en droit des successions.

Il délivre des cours particuliers de méthodologie en note de synthèse, à Paris et Montpellier, et en visioconférence (zoom). Cliquez-ici pour en savoir plus sur les modalités et les tarifs : cours particuliers note de synthèse.

 

LE COMMERCE DE L’INFLUENCE

L’influence occupe une place essentielle dans la vie publique, à tel point qu’Éric Delbecque la définit comme « la pointe de diamant de l’intelligence économique » (doc 12). En droit, la notion d’influence revêt une connotation négative puisqu’elle évoque notamment l’infraction de trafic d’influence (doc 2).

La notion d’influence est de plus en plus omniprésente, comme l’illustre l’apparition du terme d’ « influenceur », une personne publiant du contenu sur un réseau social ou sur Internet en vue de promouvoir les produits ou services d’une entreprise (doc 3). Certains utilisent également l’expression de « marketing d’influence », pour évoquer l’émergence d’une pratique consistant en l’achat d’abonnés, de likes, de vues et de commentaires apparaissant sur des réseaux sociaux tels que Instagram et Facebook (doc 16). Les réseaux sociaux eux-mêmes ont la capacité de contrôler ces pratiques mais il n’est pas certain que celles-ci puissent être considérées comme « illégales », et notamment comme de la « publicité trompeuse » au sens du code de la consommation (doc 16).

Néanmoins, le droit français prend de plus en plus en en compte la notion d’ « influence », comme l’illustre un arrêt de la Cour de cassation qui semble admettre qu’un apport en industrie dans le capital d’une société puisse être constitué par un simple apport d’influence, à savoir de notoriété (doc 10). Mais encore faut-il que ladite influence soit licite et ne soit pas susceptible d’être qualifiée de trafic d’influence (doc 10).

L’étude des documents en présence nous conduit à évoquer dans une première partie les règles visant à limiter l’influence du consommateur (I), puis dans une deuxième partie les règles visant à encadrer l’influence des institutions publiques et judiciaires (II).

 

I/ Les règles visant à limiter l’influence du consommateur

Parmi les règles applicables en matière d’influence du consommateur il convient de distinguer les dispositions législatives incombant aux professionnels (A) et les règles applicables à la publicité sur les réseaux sociaux (B).

A/ Les obligations législatives incombant aux professionnels

1/ Les obligations générales d’information du consommateur en matière de publicité

L’article L.121-3 du code de la consommation prévoit que toute publicité doit contenir certaines informations considérées comme « substantielles » telle que les caractéristiques du bien ou du services (doc 11). En outre, la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 3 janvier 2008 (LCEN) prévoit l’obligation de mentionner la personne physique ou morale à l’origine d’une publicité (doc 4).

Enfin, les médias sont tenus à une obligation de transparence relative au financement, lorsqu’ils réalisent la promotion d’un produit ou service (doc 21).

2/ Les obligations particulières de transparence destinées à protéger la santé

L’article 1453-1 du code de la santé publique prévoit l’obligation pour les laboratoires pharmaceutiques et pharmacies de publier sur un site internet les informations relatives aux liens entretenus avec des professionnels de santé : médecins, associations, étudiants, académies, etc. (doc 6). Les professionnels de santé ont également des obligations déontologiques spécifiques d’information au sujet de liens d’intérêts éventuels. D’ailleurs, pour la Cour de cassation, le manquement d’une des parties à un contrat à ses obligations en matière de déclaration de liens d’intérêts peut constituer une faute grave justifiant la résiliation du contrat sans préavis (doc 22).

En outre, l’article L.2512-7 du code de la santé publique prévoit l’obligation pour les entreprises de tabacs (fabricants, importateurs et distributeurs) de rapporter au Ministre de la santé les dépenses liées à des activités d’influence (doc 9).

B/ Les règles applicables à la publicité sur les réseaux sociaux

1/ Le cadre légal applicable aux influenceurs

En matière de communication digitale, l’ « influenceur » désigne une personne diffusant du contenu destiné à promouvoir un produit ou service d’une entreprise (doc 18). La question de la qualification juridique de la relation entre l’influenceur et l’entreprise pour laquelle il réalise un message publicitaire peut poser difficulté. On peut notamment penser au contrat de travail, au contrat d’agent commercial et au contrat de représentation commercial (doc 3). L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) considère que la relation entre l’ « influenceur » et l’entreprise peut être matérialisée par trois types de contrats : le contrat d’influenceur, le contrat de blogueur publicitaire, ainsi que le contrat de billet sponsorisé (doc 18). En revanche, le Ministre du Travail a indiqué, à l’occasion d’une réponse ministérielle, qu’une enquête était nécessaire afin de clarifier le cadre légal applicable aux enfants de moins de 16 ans réalisant des « placements de produits » pour des entreprises sur des chaines de vidéos telle que YouTube (doc 14).

2/ Les obligations des influenceurs

L’ARPP distingue les situations dans lesquelles le contenu diffusé est susceptible ou non d’être qualifié de publicitaire ; et en ce dernier cas, l’influenceur est soumis aux dispositions relatives au droit de la publicité (doc 20). Nonobstant le caractère publicitaire ou non du contenu diffusé par l’influenceur, celui-ci doit dans tous les cas indiquer le caractère commercial du contenu diffusé (doc 20). En effet, contrairement au droit anglais et au droit américain, le droit français prévoit l’obligation pour l’influenceur de révéler au public l’existence d’un partenariat avec l’entreprise pour laquelle il réalise le message publicitaire, conformément à une recommandation de l’ARPP et à un arrêt de la Cour de cassation qui concernait l’entreprise Ricard (doc 3).

Au-delà de l’impact sur le consommateur, les documents soumis à notre analyse nous conduisent à évoquer la question de l’influence sur l’Etat et les institutions publiques.

 

II/ Les règles visant à encadrer l’influence des institutions publiques et judiciaires

Evoquer l’influence de l’Etat es des institutions publiques permet d’envisager d’une part la pratique du lobbying (A) et d’autre par les cas d’influence des institutions publiques et judiciaires prohibés (B).

A/ L’influence de la personne publique réglementée : la pratique du lobbying

1/ Les obligations applicables aux représentants d’intérêts

Pendant de longues années, le lobbying se développait de façon opaque en France car l’Etat refusait de reconnaître son existence, ce qui conduit certains à évoquer un « déni » au sujet de la pratique du lobbying (doc 7). La loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 a créé la Haute Autorité pour la transparence dans la vie publique (HATVP), chargée de recueillir des informations relatives aux personnes exerçant une activité de lobbying, appelées « représentants d’intérêts » (doc 1). Cette loi prévoit notamment que ces personnes ont l’interdiction d’utiliser des informations recueillies auprès des responsables politiques à des fins commerciales (doc 1). Plusieurs années après son entrée en vigueur, on constate toutefois que la loi n’est pas encore totalement appliquée par les personnes concernées : certaines entreprises du CAC40 n’ont pas encore procédé à leur déclaration, et les entreprises qui se sont identifiées n’ont pas encore transmis toutes les informations exigées (doc 19).

2/ L’exercice d’une activité de lobbying par un Avocat

La loi n’interdit pas aux Avocats d’exercer une activité de représentant d’intérêts (doc 1). Aussi, certains Avocats en faveur du lobbying considèrent que la mission de l’Avocat ne doit pas se limiter à interpréter la norme juridique, mais doit pouvoir aller au-delà, en discutant sa légitimité (doc 13). D’ailleurs, les instances représentatives de la profession se montrent favorables à cette activité : avis du CNB, nouvelle disposition au sein du Règlement intérieur du Barreau de Paris, création de l’Association des Avocats lobbyistes, etc. (doc 13).

B/ Cas d’influence des institutions publiques et judiciaires prohibés

1/ Le trafic d’influence

L’article 433-2 du code pénal sanctionne le trafic d’influence, à savoir le fait d’obtenir une décision favorable de la part d’une administration publique en contrepartie d’un avantage quelconque (doc 15). En revanche, le simple fait de recevoir une information ou un document ne constitue pas un trafic d’influence, en l’absence de décision favorable (doc 15).

Il convient de distinguer le trafic d’influence passif du trafic d’influence actif, le premier étant commis par la personne qui reçoit l’avantage, alors que le second est le fait de la personne qui le procure (doc 2). L’infraction de trafic d’influence doit également se distinguer de la corruption (doc 2).

Enfin, La loi Sapin 2 a créé de nouvelles obligations pour les entreprises de grande taille. Il s’agit d’obligations destinées à prévenir et détecter des faits de corruption et de trafic d’influence. Ces obligations peuvent être sanctionnées par des amandes administratives prononcées par l’Agence française anticorruption pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros (doc 5).

2/ L’exercice d’une influence à l’occasion d’un témoignage produit en justice

L’article L.434-15 du code pénal sanctionne pénalement le fait d’exercer une influence à l’occasion d’un témoignage produit en justice (doc 17). La pratique de préparation préalable des témoins par les cabinets d’avocats est très répandue dans les pays anglo-saxons. Cette pratique est beaucoup moins développée en France, dans la mesure où elle risquerait de se heurter à la déontologie de l’Avocat (doc 8). Face à cette disparité, certains auteurs dénoncent un déséquilibre entre les Avocats français et les Avocats anglo-saxons dans le cadre de contentieux internationaux (doc 8).

 

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