Correction de l’épreuve de droit civil du CRFPA 2019

Par Sarah Guermi, Avocat

 

Cas n°1 : Le couple Alain Dupond et Sandra Martin

Alain Dupond et Sandra Martin se sont mariés en 1990, sous le régime de la séparation de biens. Ayant acquis des biens immobiliers, ils font face à une difficulté concernant un pacte de préférence ayant pour objet un chalet alpin (I) et souhaitent également faire le point sur les conséquences d’une dissolution du mariage sur leur patrimoine immobilier (II).

I- Le chalet dans les Alpes

En vue de l’acquisition d’un chalet, les époux ont signé un pacte de préférence affecté d’un terme au 1er avril 2019. Le couple vient d’apprendre que le propriétaire a signé une promesse unilatérale de vente le 25 mars 2019, le bénéficiaire ayant levé l’option le 3 avril 2019.

Les époux disposent-ils des moyens d’action pour acquérir le chalet ?

L’article 1123, alinéa 1 du Code civil définit le pacte de préférence comme un « contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».

Ainsi, le promettant est tenu d’émettre l’offre à l’intention du bénéficiaire en priorité. C’est uniquement si celui-ci refuse cette offre que le promettant est libre d’adresser cette même offre de contrat à d’autres personnes.

La promesse unilatérale est quant à elle définie par l’article 1124 du même Code comme étant « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. »

L’article 1123 alinéa 2 du Code civil précise la sanction de la révocation du promettant. En effet, aux termes de cet article, le bénéficiaire du pacte pourra obtenir des dommages-intérêts et pourra également, si le tiers avait connaissance de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, agir en nullité ou demander au juge sa substitution au tiers.

La Cour de cassation est venue préciser que la sanction est applicable même si la levée de l’option intervient après le terme affecté au pacte de préférence (Cass. Civ 3ème, 6 décembre 2018).

En l’espèce, en vue de l’acquisition d’un chalet, le couple Dupond-Martin a signé un pacte de préférence affecté d’un terme au 1er avril 2019. Or, le couple a appris que le propriétaire de l’immeuble a signé une promesse unilatérale de vente le 25 mars 2019, le bénéficiaire ayant levé l’option le 3 avril 2019.

Par conséquence, le propriétaire ayant révoqué sa promesse avant le terme du pacte de préférence, et même si la levée de l’option est postérieure au terme du pacte de préférence, Alain Dupond et Sandra Martin pourront, agir en nullité ou solliciter leur substitution s’ils prouvent que le bénéficiaire de la promesse de vente avait connaissance du pacte de préférence et de l’intention du couple de s’en prévaloir. Dans le cas contraire, ils ne pourront obtenir que des dommages-intérêts.

II- Le patrimoine immobilier des époux

Le couple souhaite faire le point sur leur patrimoine immobilier, notamment en cas de dissolution du mariage. Celui-ci se compose d’une maison, édifiée sur un terrain donné à Sandra par sa tante, construite et financée par Alain. Cette maison constitue le domicile conjugal. Il convient de préciser que Sandra disposait d’un patrimoine immobilier avant le mariage, ces biens lui appartiennent en propre.

Quelles seraient les conséquences d’une dissolution du mariage sur la maison du couple ?   

Aux termes de l’article 1537 du Code civil, les époux en séparation de biens contribuent aux charges du mariage suivant les termes de leur contrat de mariage et, à défaut dans les conditions de l’article 214 du même code, soit à proportion de leurs facultés respectives lorsque les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage.

La Cour de cassation analyse la présence au contrat de séparation de biens d’une clause, selon laquelle chacun des époux a fourni sa contribution aux charges du mariage au jour le jour, comme une présomption irréfragable interdisant de recours pour ce type de dépenses (Cass. Civ 1ère, 25 septembre 2013).

Par ailleurs, la jurisprudence retient que l’acquisition, l’amélioration ou l’agrandissement du logement familial constituent une contribution aux charges du mariage (Cass. Civ 1ère, 14 mars 2006 ; Civ 1ère, 15 mai 2013).

Par suite, les dépenses relatives à l’acquisition du logement familial constituant une charge du mariage, la Cour de cassation retient que l’impossibilité de bénéficier d’une créance à ce titre (Cass. Civ. 1er avril 2015).

Toutefois, dans des arrêts récents rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Civ 1ère, 11 avril 2018 ; Civ 1ère, 5 décembre 2018), il a été retenu que les juges doivent vérifier si un époux n’a pas trop contribué aux charges du mariage, justifiant dans ce cas l’existence d’une créance puisque la « sur-contribution » de l’époux ne relève plus de la contribution aux charges du mariage.

En l’espèce, Alain et Sandra ont eu recours à un contrat de mariage de séparation de biens prévoyant que chacun des époux « sera réputé s’être acquitté jour par jour de sa part contributive aux charges du mariage ». Alain a construit et financé la maison familiale, édifiée sur un terrain donné à Sandra par sa tante.

Par conséquent, en principe, en cas de dissolution du mariage, Alain ne pourra réclamer de créance au titre du financement du domicile conjugal en raison de la clause de contribution au jour le jour contractuellement prévue. En revanche, si Alain démontre que ce financement constitue une sur-contribution, la clause contenue dans le contrat de mariage devenant sans objet, il pourra réclamer une créance.

 

Cas n°2 : L’indivision entre Sandra Martin et sa sœur Michèle

Sandra et sa sœur Michèle disposent de biens en indivision. Michèle vivant depuis près de 10 ans dans l’un des appartements indivis, sans rien verser, Sandra souhaite savoir si elle peut obtenir un paiement de la part de sa sœur (I) et comment mettre fin à cette situation (II). Par ailleurs, Sandra payant l’essentiel des dépenses liées à l’entretien des immeubles indivis, peut-elle obtenir un paiement à ce titre (III). Enfin, Michèle étant poursuivie par de nombreux créanciers, Sandra souhaite savoir si ceux-ci ont des recours sur les meubles indivis (IV).

I- Le paiement d’une indemnité d’occupation

Michèle habite depuis près de 10 ans dans l’un des biens indivis. Sandra peut-elle obtenir, à ce titre, le paiement d’une indemnité par sa sœur ?

L’article 815-9 du Code civil dispose que : « L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »

Comme l’indique le texte, les indivisaires peuvent convenir de la jouissance du bien à titre gratuit par l’un d’entre eux. La jurisprudence admet qu’une telle jouissance gratuite peut être accordée de manière tacite (Cass. Civ 1ère, 7 juin 2006).

Dans le cas contraire, une indemnité est due par l’indivisaire jouissant gratuitement du bien.

L’indemnité est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass. Civ 1er, 30 juin 1987). Pour la calculer, est retenue la perte des fruits et revenus pendant la jouissance privative (Cass. Civ. 26 avril 1988).

L’article 815-10, alinéa 2, du Code civil précise qu’une telle indemnité revient à l’indivision et non au demandeur à l’action, l’indemnité étant assimilable à un revenu.

Enfin, une telle action est soumise à une prescription de 5 ans (article 815-10, alinéa 3 du Code civil), ce que la jurisprudence rappelle régulièrement (Cass. Civ 1ère, 6 juillet 1983).

En l’espèce, Michèle occupe l’un des appartements indivis depuis près de 10 ans sans rien verser. Les faits ne précisent pas si Sandra et Michèle ont conclu de convention en ce sens, que ce soit expressément ou tacitement, toutefois si semblerait qu’il n’y ait pas de convention expresse.

Par conséquent, dans l’hypothèse où aucune convention expresse ou tacite n’est intervenue entre Sandra et Michèle, Sandra pourra réclamer une indemnité d’occupation au profit de l’indivision dans la limite de 5 ans étant donné la prescription. La convention tacite pourrait être déduite par un comportement non équivoque de Sandra acceptant un tel aménagement des droits indivis.

II- La fin de la situation

Sandra souhaite savoir comme mettre fin à cette situation. Les faits n’étant pas assez précis, il convient d’étudier l’hypothèse selon laquelle Sandra souhaiterait simplement mettre fin à l’occupation de l’appartement par Michèle (A) et celle dans laquelle elle souhaiterait mettre fin à l’indivision (B).

A- La fin de l’occupation de l’appartement

En vertu de l’article 1210 du Code civil, les engagements perpétuels sont prohibés. Aussi, l’article 1211 du même code dispose que les contrats conclus à durée indéterminée peuvent être rompus par chaque partie, en respectant le délai de préavis contractuellement fixée ou, à défaut, un délai raisonnable.

En l’espèce, les faits sont silencieux quant à une quelconque convention entre les Sandra et Michèle.

Par conséquent, dans l’hypothèse où une convention aurait été conclue, Sandra pourra la rompre selon les modalités de la convention. S’il s’agit d’une convention tacite, celle-ci est réputée à durée indéterminée, elle pourra donc être rompue en respectant un délai raisonnable pour que Michèle quitte l’appartement.

B- La fin de l’indivision

L’article 815 Code civil dispose que : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention. » Les conditions du sursis à statuer par le juge sont précisés à l’article 820 du même Code.

Par conséquent, Sandra peut provoquer le partage de l’indivision.

III- L’entretien des biens indivis

Sandra peut-elle solliciter le paiement d’une indemnité au titre du paiement des dépenses liées à l’entretien des biens indivis ?

L’article 815-12 du Code civil dispose que l’indivisaire qui gère les biens indivis a droit à une rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l’amiable, ou à défaut par décision de justice.

La jurisprudence précise que cette disposition n’est pas soumise à la prescription quinquennale (Cass. Civ 1ère, 19 décembre 1995).

Par ailleurs, au terme de l’article 815-13, alinéa 1 du même code : « Lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. »

La Cour de cassation retient que les travaux d’entretien ne constituent pas des dépenses d’amélioration ni de conservation, et n’ouvrent donc pas droit à une indemnité au titre de l’article 815-13 du Code civil (Cass. Civ 1ère, 28 mars 2016).

En revanche, les travaux qui constituent une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis ouvrent droit à une indemnisation (Cass. Civ 1ère, 24 septembre 2014). Cela dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Civ 1ère, 10 mai 2006).

Là encore, la prescription quinquennale ne s’applique pas (Cass. Civ 1ère, 19 décembre 1995).

Enfin, l’article 815-8 du Code civil dispose que les créances d’un indivisaire sont inscrites dans un compte d’indivision. Ainsi, celle-ci sont en principe payées au jour du partage.

Toutefois, aux termes de l’article 815-17 du même code, les créances au titre de la conservation ou de la gestion des biens indivis peuvent être payés par prélèvement avant le partage.

Cette disposition qui concerne les créanciers ordinaires de l’indivision est applicable aux créanciers indivisaires (Cass. Civ 1ère, 26 juin 2013 ; Cass. Civ 1ère, 4 juillet 2007).

En l’espèce, Sandra a payé l’essentiel des dépenses liées à l’entretien des immeubles indivis.

Par conséquent, plusieurs fondements s’offrent à Sandra. Cette dernière pourrait solliciter une indemnité au titre de la gestion des biens indivis. De même si elle a financé des dépenses d’entretien qui étaient nécessaires à la conservation des biens.

Contrairement à l’indemnité d’occupation, la prescription quinquennale n’est pas applicable.

De plus, si de telles créances sont dues à Sandra, elle pourra obtenir un paiement par prélèvement des fruits de l’indivision, plutôt que d’attendre le partage et l’établissement des comptes d’indivision.

VI- Les poursuites des créanciers

Michèle étant poursuivie par de nombreux créanciers, ceux-ci disposent-ils de recours sur les immeubles indivis ?

En vertu du droit de gage général (2284 et 2285 du Code civil), la quote-part des biens indivis de Michèle fait partie du gage commun des créanciers.

Toutefois, aux termes de l’article 815-17, alinéa 2 du même Code, les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent pas saisir sa part dans les biens indivis.

Ils peuvent provoquer le partage. Dans ce cas, les coïndivisaires ont la possibilité d’arrêter le cours de l’action en partage en s’acquittant des obligations du débiteur, ils pourront ensuite être remboursés par prélèvement sur les biens indivis (article 815-17, alinéa 3).

La Cour de cassation précise que le créancier personnel d’un indivisaire ne peut saisir la part de son débiteur dans les biens indivis, ni prendre aucune mesure ayant pour effet de rendre cette part indisponible (Cass. Civ 1ère, 15 juillet 1999).

Il ne peut pas non plus faire saisir et vendre la part de son débiteur (Cass. Civ 1ère, 20 octobre 1982).

Il est toutefois possible de prendre des sûretés sur la part de leur débiteur (Cass. Civ 2ème, 17 février 1983, Cass. Civ 3ème, 2 novembre 1983)

Seuls les créanciers de l’indivision (à savoir ceux qui auraient pu agir sur les biens indivis avant l’indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis) peuvent être payés par prélèvement sur l’actif avant le partage et ont également la faculté de poursuivre la saisie et la vente des biens indivis (article 815-17, alinéa 1).

En l’espèce, Michèle est poursuivie par de nombreux créanciers. Cependant, les faits ne précisent pas s’il s’agit de créanciers personnels ou de créanciers de l’indivision.

Par conséquent, dans l’hypothèse où les créanciers seraient personnels, ils ne pourront pas saisir la quote-part de Michèle des biens indivis mais pourront prendre des sûretés ou provoquer le partage. En revanche, s’il s’agit de créanciers de l’indivision, ils pourront sollicités d’être payés par prélèvement sur l’actif ou poursuivre la saisie et vente des biens.

 

Cas n°3 : Le cas de la société d’Aline

Aline a créé une société de confection qui connait un grand succès. Toutefois, elle fait actuellement face à deux difficultés. Tout d’abord, son client principal, la société Mode et Tendance, a été placée en liquidation judiciaire alors qu’une commande importante de marchandises avait été passée (I). Ensuite, Aline ayant décidé d’agrandir son site de production, le voisin contigu du dépôt prétend que cette construction empiète de quinze centimètres sur son terrain et la menace de l’obliger à démolir (II).

I- Les marchandises

La société Mode et Tendance a été placée en liquidation judiciaire alors qu’une importante commande passée auprès d’Aline était en cours de livraison. Aline a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire et retient actuellement les marchandises.

Aline est-elle en droit de retenir les marchandises et peut-elle s’en faire attribuer la pleine propriété ?

Aux termes de l’article 2286 2° du Code civil, celui dont la créance impayée résulte d’un contrat qui l’oblige à livrer peut se prévaloir d’un droit de rétention.

Le droit de rétention est conditionné d’une part à l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible (Cass. Com, 14 juin 1988 ; Cass. Com, 26 mars 2013) et d’autre part à la détention effective de la chose (sauf dans le cas d’un gage sans dépossession visé à l’article 2286 4°), étant précisé que le droit de rétention se perd par le dessaisissement volontaire (2286 alinéa 2).

Enfin, la Cour de cassation retient que le droit de rétention n’est pas assimilable au gage et ne permet donc pas l’attribution de la chose retenue en pleine propriété (Com, 9 juin 1998).

En l’espèce, la Société Mode et Tendance a passé une importante commande auprès d’Aline mais a été placée en liquidation judiciaire alors que le commande était en instance de livraison. Aline a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire et retient les marchandises en sa possession.

Par conséquent, il semblerait que la créance d’Aline soit certaine, liquide et exigible. Elle dispose donc d’un droit de rétention sur les marchandises en sa possession jusqu’au paiement de sa créance mais ne pourra pas se faire attribuer la propriété des marchandises.

II- L’empiétement

Alors qu’Aline a agrandi son site de production, le voisin contigu du dépôt estime que la construction nouvelle empiète de quinze centimètres sur son propre terrain et menace Aline de l’obliger à la démolir.

L’empiétement est-il caractérisé et le cas échéant, le voisin peut-il obliger Aline à démolir sa construction ?

L’empiétement consiste en l’extension de la construction implantée sur une parcelle au fonds voisin appartenant à un propriétaire distinct.

L’article 555 du Code civil qui concerne le régime de l’accession ne s’applique pas à l’empiétement. En effet, la Cour de cassation retient que cet article ne trouve pas application au-delà des limites de son héritage et empiète ainsi sur la parcelle voisine (Cass. Civ 3ème, 19 décembre 1983).

Par ailleurs, l’article 544 dispose que : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »

En application de cet article, la jurisprudence retient qu’en cas d’empiètement, la démolition de la partie de la construction reposant sur le fonds voisin doit être ordonnée quand le propriétaire du fond l’exige, malgré l’importance minime de l’empiétement (Cass. Civ 3ème, 26 juin 1979). De même, la bonne foi du constructeur est indifférente (Cass. Civ 3ème, 12 juillet 1977).

Le silence gardé pendant la durée des travaux par le propriétaire victime de l’empiétement ne saurait à lui seul faire la preuve de son consentement à l’aliénation d’une partie de son immeuble (Cass. Civ 1ère, 1er juillet 1985).

Dès lors, le propriétaire victime est en droit de solliciter la démolition de l’ouvrage (Cass. Civ 3ème, 14 mars 1973), peu important le caractère minime de l’empiétement (Cass. Civ 3ème, 10 novembre 2016).

Toutefois, lorsque les juges du fond estiment qu’il est techniquement possible de supprimer l’empiétement, ils ordonnent à bon droit le rétablissement de la construction dans ses limites, sans qu’il ne soit nécessaire de démolir l’ouvrage en entier (Cass. Civ 3ème, 26 novembre 1975 ; Cass. Civ 3ème, 10 novembre 2016).

Enfin, la jurisprudence retient que l’empiétement suffit à caractériser la faute selon l’article 1240 du Code civil (Cass. Civ 3ème, 10 novembre 1992).

En l’espèce, le voisin contigu du dépôt d’Aline prétend de la nouvelle construction empiète de quinze centimètres sur son propre terrain et la menace de l’obliger à démolir.

Par conséquent, si les dires du voisin sont avérés, il pourra solliciter la démolition auprès du Juge. Ce n’est que si un rabotage du mur est techniquement possible que celle-ci pourra être évitée.

 

Cas n°4 : Le cas de François

François a été victime d’un accident l’ayant rendu lourdement handicapé. Mariée sous le régime légal avec lui, Louise souhaite vendre leur maison inadaptée à l’état de santé de François (I) et racheter un contrat d’assurance-vie souscrit par son époux pour subvenir à ses besoins (II).

I- La vente du domicile conjugal

Dans quelle mesure Louise peut-elle vendre le domicile conjugal ?

L’article 215, alinéa 3 du Code civil dispose que les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le domicile conjugal.

Il existe toutefois des mesures en cas de circonstances particulières :

  • Un époux peut être autorisé par décision de justice de passer seul un acte soumis à la congestion lorsque l’autre époux est hors d’état de manifester sa volonté (article 217)
  • Un époux peut se faire habiliter par justice à représenter l’autre époux d’une manière générale, ou pour certains actes en particulier lorsque ce dernier est hors d’état de manifester sa volonté (article 219).

La jurisprudence a retenu l’application de cette disposition pour la vente du logement familial, appartenant en propre à l’époux hors d’état de manifester sa volonté (Cour d’Appel de Paris, 16 décembre 1999).

  • Si l’un des époux se trouve, d’une manière durable, hors d’état de manifester sa volonté, l’autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l’exercice de ses pouvoirs. Le conjoint est alors capable d’accomplir les actes soumis à gestion concurrente seul et pour les actes soumis à cogestion, il lui faut une autorisation judiciaire (1426 du Code civil).

En l’espèce, Louise souhaite vendre le domicile conjugal inadapté à l’état de santé de François. Les faits ne précisent pas s’il s’agit d’un bien commun ou d’un bien propre appartenant à François (naturellement, l’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’un bien propre appartenant à Louise est écartée puisque dans ce cas il n’y aurait pas de difficultés).

Par conséquent, Louise pourra demander à être autorisée à vendre le domicile conjugal auprès du juge sur le fondement de l’article 217 du Code civil ou si le bien appartient en propre en François sur le fondement de l’article 219 du même code.

L’article 1426 permet quant à lui une application plus large puisque Louise pourra accomplir seule les actes soumis à gestion concurrente mais devra tout de même obtenir l’autorisation judiciaire de la vente du domicile conjugal.

En outre, le logement étant manifestement inadapté à l’état de santé de François, il est fort probable que le juge accorde une telle autorisation.

II- Le rachat du contrat d’assurance-vie

Dans quelle mesure Louise peut-elle racheter le contrat d’assurance-vie de François ?

D’après l’article L. 132-4-1 du Code des assurances, le rachat d’un contrat d’assurance-vie constitue un acte de disposition que seul l’époux souscripteur peut accomplir.

Par conséquent, en principe seul François peut racheter son contrat d’assurance-vie. En effet, s’agissant d’un acte de disposition, les articles 217 de 1426 ne sont pas applicables.

Aussi, Louise devra solliciter l’autorisation du juge sur le fondement de l’article 219 du Code civil. François étant le seul à exercer une activité professionnelle et le rachat du contrat d’assurance-vie étant destiné à subvenir à ses besoins, il est probable que cette autorisation lui soit accordé.

 

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